Dès le lendemain des diverses élections du printemps 2006, le champ politique italien a été marqué par une reprise véhémente des discussions concernant la rétention administrative des étrangers sans-papiers. Le conflit s’est focalisé sur les Centres de permanence temporaire et d’assistance (CPTA) institués en Italie par la loi 40/1998, dite Turco-Napolitano, du nom de ses rapporteurs. Mais pourquoi le débat sur la rétention administrative s’est-il imposé avec une telle urgence politique comme l’une des priorités de l’agenda de la majorité ? La réponse à cette question comporte plusieurs articulations et exige le compte rendu de processus politiques initiés dès la seconde moitié des années 1990. En effet, la politique migratoire italienne, qui a fait des CPTA le principal instrument de contrôle et régulation des flux, est âprement discutée et combattue au sein de la gauche depuis ses débuts. Le conflit s’est nourri de clivages importants propres au champ politique italien : non seulement des oppositions quelques peu attendues entre réformistes et radicaux, ainsi qu’entre partis et mouvements, mais aussi entre centre et périphérie des DS et de La Margherita. Autant de lignes de fracture qui sont liées à celle qui, dans la société civile, distingue deux éthiques de la responsabilité (pour reprendre les termes de Max Weber) réunies par l’attention qu’elles portent aux problèmes de régulation mais opposées sur la possibilité d’humaniser (ou pas) des institutions totales. Nous présenterons ici les caractéristiques les plus saillantes du conflit, en insistant d’abord sur les interactions entre partis et mouvements, et en nous appuyant sur ce qui est habituellement défini comme une approche du processus politique : méthode qui a « le mérite de déplacer l’attention sur les interactions, en refusant de concevoir les mouvements sociaux uniquement comme des phénomènes anti-institutionnels » . Conscients des innovations importantes récemment introduites dans cette approche, désormais plus attentive aux dimensions culturelles de cadrage et d’attribution d’une signification aux opportunités politiques , nous nous attacherons ensuite à reconstituer les vocabulaires et les grammaires d’action qui ont récemment structuré le débat en tant – précisément – qu’éléments clés de ce processus politique. Enfin, nous reviendrons sur le détail de la nouvelle structure d’opportunités politiques qui s’est mise en place avec le deuxième gouvernement Prodi.
Cousin, B., Vitale, T. (2005). La gauche de la "Mer ouverte": l'immigration clandestine dans le débat italien. LA VIE DES IDÉES, 2005(8), 47-53.
La gauche de la "Mer ouverte": l'immigration clandestine dans le débat italien
VITALE, TOMMASO
2005
Abstract
Dès le lendemain des diverses élections du printemps 2006, le champ politique italien a été marqué par une reprise véhémente des discussions concernant la rétention administrative des étrangers sans-papiers. Le conflit s’est focalisé sur les Centres de permanence temporaire et d’assistance (CPTA) institués en Italie par la loi 40/1998, dite Turco-Napolitano, du nom de ses rapporteurs. Mais pourquoi le débat sur la rétention administrative s’est-il imposé avec une telle urgence politique comme l’une des priorités de l’agenda de la majorité ? La réponse à cette question comporte plusieurs articulations et exige le compte rendu de processus politiques initiés dès la seconde moitié des années 1990. En effet, la politique migratoire italienne, qui a fait des CPTA le principal instrument de contrôle et régulation des flux, est âprement discutée et combattue au sein de la gauche depuis ses débuts. Le conflit s’est nourri de clivages importants propres au champ politique italien : non seulement des oppositions quelques peu attendues entre réformistes et radicaux, ainsi qu’entre partis et mouvements, mais aussi entre centre et périphérie des DS et de La Margherita. Autant de lignes de fracture qui sont liées à celle qui, dans la société civile, distingue deux éthiques de la responsabilité (pour reprendre les termes de Max Weber) réunies par l’attention qu’elles portent aux problèmes de régulation mais opposées sur la possibilité d’humaniser (ou pas) des institutions totales. Nous présenterons ici les caractéristiques les plus saillantes du conflit, en insistant d’abord sur les interactions entre partis et mouvements, et en nous appuyant sur ce qui est habituellement défini comme une approche du processus politique : méthode qui a « le mérite de déplacer l’attention sur les interactions, en refusant de concevoir les mouvements sociaux uniquement comme des phénomènes anti-institutionnels » . Conscients des innovations importantes récemment introduites dans cette approche, désormais plus attentive aux dimensions culturelles de cadrage et d’attribution d’une signification aux opportunités politiques , nous nous attacherons ensuite à reconstituer les vocabulaires et les grammaires d’action qui ont récemment structuré le débat en tant – précisément – qu’éléments clés de ce processus politique. Enfin, nous reviendrons sur le détail de la nouvelle structure d’opportunités politiques qui s’est mise en place avec le deuxième gouvernement Prodi.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.